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« Déformer l’Histoire n’est pas la romancer »

  • Photo du rédacteur: Maxime Davaine
    Maxime Davaine
  • 2 déc. 2023
  • 3 min de lecture

Critique du film Napoleon de Ridley Scott par Maxime Davaine.

Je ne sais que penser du film de Ridley Scott. Après un an d’attente, j’ai pu visionner

l’« impressionnant » spectacle que l’on me promettait, et je dois dire que j’en suis quelque peu déçu.


Je commencerai ici par exposer tout ce que ce film peut contenir de positif. La qualité des scènes, des décors et de la réalisation reflète parfaitement le budget faramineux de 200 millions de dollars. Les acteurs - pour lesquels j’avais, je dois l’avouer, quelques appréhensions – remplissent leur rôle avec qualité. Ridley Scott s’évertue à reproduire des scènes peintes dans des tableaux de Jacques-Louis David, avec une certaine réussite.


Seulement, je déplore le niveau historique catastrophique. Pire, le réalisateur déforme, transforme l’Histoire, se permet de rajouter des passages qui salissent l’image de l’Empereur, et qui ne reflètent en rien la réalité.


Les erreurs commencent dès la première scène, où l’on voit le jeune Bonaparte assister à l’exécution de Marie-Antoinette, en 1789. Premièrement, la mise à mort de la reine de France se déroule en 1793. Deuxièmement, Napoléon ne s’y trouvait pas. Certains se révoltent d’entendre Edith Piaf chantant sur ce passage ; ce n’est en réalité pas tellement anachronique, le chant révolutionnaire Ça ira étant entonné par la chanteuse.


Le scénario continue ensuite sur cette lancée tout au long des deux heures de projection, les erreurs sont trop nombreuses pour les énumérer toutes. La plus flagrante est sans doute Napoléon tirant sur les pyramides, puis désertant la campagne d’Égypte pour une vulgaire histoire de coucheries. Sur la classe de vingt élèves dont j’étais, il s’agit là de la scène qui a le plus marqué mes camarades. Autre scène marquante, celle d'Austerlitz. Là, le génie de la stratégie militaire est réduit à l’ordre de « débâcher les canons » de la part de Napoléon. Certes, les belles images de dizaines de milliers de soldats sombrant dans le lac, dans un mélange de glace, de sang et d’eau sont un beau spectacle. Mais cet épisode est anecdotique dans la bataille, et le réalisateur fait abstraction du reste.


Sont-ce des erreurs, ou bien la volonté de Ridley Scott ? En tout cas, cela est bien regrettable. En sortant de la salle, si les spectateurs ne sont pas connaisseurs du Premier Empire, il repartent avec les souvenirs de scènes impressionnantes, mais complètement déconnectées de la réalité. On leur apprend des mensonges.


En réalité, le film aurait dû se nommer « Joséphine », tant tout tourne autour d’elle. Les quarante premières minutes sont les plus longues, installant l’histoire d’amour entre Napoléon et celle qui deviendra impératrice. Cela rend ce passage presque inintéressant, un avis que ne partagera certainement pas le public américain. Les scènes d’amours inutiles se succèdent à n’en plus finir, faisant passer Napoléon pour un obsédé sexuel. Scott s’autorise même à dépeindre un Bonaparte misogyne, ajoutant à sa guise des scènes ne s’étant jamais déroulées, comme lorsqu’il filme Napoléon frappant sa femme en public, lors de la signature du divorce. Quelle volonté a-t-il alors, sinon celle de salir la légende ?


Ce qui m’a le plus déçu est sans aucun doute la fin. Le spectacle est tel tout au long du film, que l’on espère bien une scène d’apothéose, l’Aigle mourant dans son lit, prononçant au passage ses derniers mots. Rien de cela ! L’Empereur, après avoir livré sa version – déformée - de l’incendie de Moscou à deux jeunes filles, boit un verre d’eau et s’écroule. Écran noir. N’y avait-il pas mieux à faire ? D’autant que ce moment, tel que le présente Ridley Scott, peut être vu comme un suicide. Joséphine murmure d’ailleurs quelques phrases dans la bande originale, lorsque Napoléon débarque à Sainte-Hélène : « vas-tu pouvoir enfin me rejoindre ? » Une théorie bien étrange. Ou peut-être fait-il référence à un empoisonnement, plus probable mais toujours non-prouvé… Cet épisode laisse le public dans un certain flou.


En conclusion, je ne dénie en rien le droit de Ridley Scott de romancer la vie d’un personnage pour les besoins du cinéma. Mais déformer des faits historiques n’est en rien romancer. Déformer une vie comme il l’a fait n’est pas romancer. La question est la suivante : l’a-t-il fait consciemment ? Car il faut dire qu’il ne se prive pas pour exprimer son point de vue anglais, comme lorsqu’il fait défiler les nombres de morts engendrées par les batailles durant l’Empire, sans jamais préciser si la confrontation avait été provoquée par la France ou une autre nation. Encore une accusation qui entache la réputation de Napoléon, celle du guerrier impulsif, celle de l’amateur de bains de sang.


Il est vraiment déplorable de constater tant d’erreurs dans un long-métrage qui aurait pu être exceptionnel, tant d’ajouts inutiles. Le spectacle est tout de même impressionnant et plaira aux amateurs de films d’actions. Mais il ne faut pas espérer apprendre quoi que ce soit de la vie de l’Empereur, hormis des erreurs.

 
 
 

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